Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
|Garez vos neurones à l'entrée|
|Garez vos neurones à l'entrée|
Publicité
14 avril 2007

| Contes de Perrault - Comique |

[non corrigé]

Comique

Si Perrault se veut plaisant dans ses Contes, il se refuse cependant à heurter la pudeur ou la bienséance. Cependant, l’humour, et particulièrement l’ironie, sont très présents dans ses récits, que ce soit pour adresser un clin d’œil discret aux grandes personnes qui lisent les contes à leurs enfants, pour faire une satire de la société de son temps, ou pour se moquer des femmes, sa cible préférée.

A) Des contes destinés aux petits … comme aux grands

Perrault, somme toute pas tant porté sur la bienséance, se plaît à faire des allusions de ci de là à la sexualité.
Si on peut relever de très fines allusions, comme « ils dormirent peu » dans la Belle au Bois Dormant, ou le plaisir exhibitionniste que semble prendre Peau d’Ane à être observée par le trou de la serrure, on ne peut passer à côté des sous-entendus du Petit Chaperon Rouge.
Ainsi, une petite fille, pure, innocente, qui ne connaît rien des dangers de la vie, comprendre une jeune vierge qui n’a jamais connu les pulsions masculines, se retrouve invitée dans le lit d’un grand méchant loup bien affamé, qui plus est débarrassée de tous ses vêtements. Il me semble que là, je n’ai pas besoin de dire ce qu’il y a à comprendre.
A ce propos, la moralité met en garde les jeunes filles inconscientes des dangers qui les attendent dans la vie, que les loups, les hommes, les plus dangereux, sont souvent les plus doucereux. Méfiance, donc.

B) Le comique au service de la satire

Perrault se sert souvent du comique, pour mieux faire passer ses critiques de la société.
L’apparence et le personnage que chacun joue pour plaire aux autres est un fait dénoncé amèrement par Perrault. Par exemple, le Marquis de Barabas se voit flatté par sa majesté le roi parce qu’il a un titre important (« le roi lui fit mille caresses », « aller quérir un de ses plus beaux habits »), les paysans qu’il rencontre sont bien moins gentiment traités. De même, la fille de ce même roi aurait-elle été séduite par le jeune homme s’il n’avait pas été si bien paré ? La moralité de cette fable laisse entendre que non.
Les personnes qui habituellement se doivent soumises ont également l’occasion de se jouer de leurs maître, comme dans le Chat botté ou c’est bien le chat qui tire les ficelles, et, devenant aussi riche que son maître, ne court après les souris que comme les hommes vont à la chasse : simple divertissement.
La satire la plus acide reste celle des Précieuses de la Cour (p 27) qu’il parodie allègrement. Dès son épître dédicatoire des Souhaits Ridicules, il s’attaque à elles en feignant une réaction. Accordant un crédit tout particulier à l’apparence, elles aussi, on assiste aux scènes les plus comiques ; par exemple dans Grisélidis où les femmes, entendant que le prince aime les femmes dévotes, courent changer d’habit, et laissent à peine entrevoir le bout d’un doigt.


C) Les femmes, principale cible de Perrault

Les femmes ont une place capitale dans les Contes. Elles sont largement représentées, de différents âges (de la petite fille à la mère en passant par la jeune fille), de différentes natures (humaine ou ogresse) et de différents statuts sociaux (paysannes ou aristocrates). Occupant pleinement leur statut de femme, on les voit autant s’occuper des enfants que filer la laine, ce qui était une activité très prisée par les Précieuses.
Perrault, qui en apparence se place en défenseur des femmes, préfère en réalité les tourner en dérision au possible, leur prêtant tous les défauts et imperfections du monde, et se plaisant assez sadiquement à les mettre dans les situations les plus déplaisantes ; faits plutôt surprenants quand on sait que le lectorat des Contes est majoritairement féminin, et qu’il dédicace ses contes principalement à des membres de la gent féminine.

A) La femme soumise / la femme autoritaire

Si la femme se doit d’être soumise à son mari, et si elles le sont effectivement dans Le petit poucet, tant la mère que l’ogresse, Perrault utilise l’humour pour dénoncer le fait que ces messieurs se laissent parfois marcher sur les pieds par les talons de leurs dames. Par exemple, la mère dans Peau d’Ane fait avant de mourir jurer son mari pour qu’il ne se remarie jamais avec moins belle qu’elle, ce qu’elle pense, au passage, totalement impossible.
Ainsi, l’homme est placé en victime (par exemple dans Barbe Bleue), ou bien est présenté comme faible (comme dans Cendrillon, où la marâtre a le dessus), ce qui ne légitime pas, du même coup, la supériorité prétendue des femmes. 
On relèvera la petite phrase qui nous fait bondir : « L’époux pensa […] faire tout bas le souhait d’être veuf et peut-être entre nous, ne pouvait-il mieux faire » p 33, ou encore le malicieux « on a peine à juger qui des deux est le maître ».

B) La femme ridiculisée

Avec peut-être un plaisir sadique, Perrault s’amuse à placer la femme dans des situations humiliantes. Si Cendrillon et Peau d’Ane sont sales, soumises et au service des autres, la femme du bûcheron dans les Souhaits Ridicules se condamnée à avoir une aune de boudin pendant du nez, défigurant son visage bien fait (« cet ornement en cette place ne faisait pas un bon effet »).
De plus, si certaines femmes comme la femme de l’ogre du petit Poucet sont épargnées par les cruautés de Perrault, l’ogresse de la Belle au Bois Dormant, ogresse également, souffre d’une très mauvaise image, autoritaire et mauvaise, et d’un appétit insatiable qui l’emmène à désirer déguster les deux enfants de la Belle, puis la Belle elle-même. Son sort est scellé lorsqu’elle meurt dans la marmite qu’elle leur destinait. Qui plus est, elle reste une femme faible, puisqu’elle est trompée par son cuisinier, et qu’elle déguste une biche sans se rendre compte qu’il ne s’agit pas de la Belle.
Enfin, Grisélidis, bien que semblant très vertueuse, est prête à souffrir toutes les méchancetés de son mari pour lui faire plaisir


C) La femme a mille défauts

Les plus grands défauts de la femme sont sans doute, pour Perrault, la frivolité, la curiosité (la femme de Barbe Bleue), la cupidité (Fanchon et ses souhaits, tous visant des biens matériels), la naïveté ou la stupidité (Riquet la houppe), la jalousie (la mère dans Peau d’Ane) et la superficialité. Même s’il vante ce qu’il présente comme des qualités morales, comme la patience, on a tôt fait de remarquer que cela ne lui sert pas à grand-chose.
De même Peau d’Ane qui d’abord semble résister à l’idée de pratiquer l’inceste et de se marier avec son père, voit ses valeurs morales s’effondrer face aux richesses que celui-ci présente à ses yeux.
La cupidité est également mise en valeur dans le même conte lorsque Perrault raconte avec humour l’épisode des femmes de la cour prêtes à toutes les tortures pour avoir des doigts plus fins et obtenir ainsi le prince.
La femme est aussi particulièrement fourbe : dans Grisélidis, le prince dénonce le masque que les femmes non mariées portent, et qu’elles ont tôt fait de retirer une fois la bague au doigt.
Même la naïveté attendrissante et fatale du petit chaperon rouge cache une insouciance frivole, lorsque la petite poursuit des papillons et cueille des fleurs plutôt que de se hâter à aller rejoindre sa grand-mère malade. Elle ne sera pas épargnée, d’ailleurs la Grand-mère pas très perspicace et la mère négligente qui oublie de prévenir sa fille des dangers de la forêt sont bien punies.
La femme ne peut pas penser qu’il existe plus belle qu’elle. La morale de Peau d’Ane y fait allusion avec humour (voir fin de la page 73). Cendrillon elle-même, qui se joue de ses sœurs en feignant de n’être pas sortie le soir du bal, ne semble désirer en réalité que s’entendre dire qu’elle est belle.
On retiendra le portrait amorcé par le prince de Grisélidis qui ne peut croire à la vertu des femmes. Il dresse ainsi le portrait de quatre grands clichés :
- la « dévote outrée », qui se plonge excessivement dans la religion.
- la coquette qui a le goût des cancans et qui, infidèle, ne se contente même pas d’un seul amant,
- la femme d’esprit qui porte un jugement sur tout, même sur les auteurs les plus illustres,
- la femme joueuse qui dépense… et perd.


On pourrait se demander pourquoi Perrault dépeint un portrait si négatif des femmes, alors qu’il en est entouré. Peut-être faut-il le voir d’un point de vue pédagogique, c'est-à-dire qu’il ne faut pas perdre de vue que, ces contes étant aussi destinés à de jeunes filles, tente de leur montrer le chemin à emprunter, et les multiples chemins à éviter, pour devenir des épouses modèles : non orgueilleuse, obéissante, patiente, et ne désirant rien de spécial (Grisélidis). On déplorera sans doute le manque de délicatesse d’un Perrault à l’humour un brin misogyne.

_


En fin de compte, Perrault use aussi du comique, pour lui-même, afin de rendre ses récits plaisants. Et cela réussit plutôt bien, puisqu’on se plaît à remarquer que le rat barbu de Cendrillon devient un cocher avec de belles moustaches, ou que la femme curieuse de Barbe Bleue manque de tomber deux ou trois fois dans sa hâte. La mise en scène humoristique de la société de son temps permet également de découvrir cette époque dans laquelle nous n’avons jamais vécu, et les critiques auxquelles elle pouvait être exposée. Et même si notre sexe est souvent attaqué, on se prend au jeu et on se surprend à sourire du ridicule de nos semblables.


Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité